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La Roulette Végétale

Carol J. Adams (née en 1951) est une écrivaine féministe et une avocate pour les droits des animaux. Elle est l'auteure de plusieurs livres dont La politique sexuelle de la viande : une théorie critique féministe-végétarienne (1990) traduit tout récemment par les Éditions l'Âge d'Homme pour la Collection V et The Pornography of Meat (2004 - La pornographie de la viande), dans lesquelles elle soutient les liens entre l'oppression des femmes et les animaux non humains. Avec l'autorisation de l'éditeur, nous partageons avec vous la préface à l'édition vingtième anniversaire.

La politique sexuelle de la viande de Carol. J. Adams est préfacée par Élise Desaulniers (le défi végane 21 jours - Vache à lait - Je mange avec ma tête) et Nellie McKay (auteure-compositeure-interprète américaine féministe), traduite de l'anglais par Danielle Petitclerc (La traduction au service de la compassion) avec le concours de Martin Gibert (Voir son steak comme un animal mort). Vous trouverez en fin d'article des liens pour en apprendre plus sur le livre et l'auteure : Hypathie blog (Blog féministe et anti-spéciste), K&M les Véganautes (Le refus de l'exploitation animale comme philosophie du devenir humain) & Les Cahiers antispécistes (Réflexion et action pour l'égalité animale), Penser avant d'ouvrir la bouche (Élise Desaulniers)



CAROL J. ADAMS LA POLITIQUE SEXUELLE DE LA VIANDE :

CAROL J. ADAMS LA POLITIQUE SEXUELLE DE LA VIANDE

Dès sa première parution en 1990, La Politique sexuelle de la viande, qualifiée de «bible de la communauté végane» par le New York Times, s’est imposée comme un ouvrage de référence dans le domaine du droit animal. Dans cette théorie critique féministe végétarienne, la féministe militante Carol J. Adams explore la relation entre les valeurs patriarcales et la consommation de viande à travers leurs représentations dans l’histoire, les médias et la littérature. L’auteure démontre que ce que, ou plus précisément qui, nous mangeons est le résultat de la politique patriarcale omniprésente dans notre culture, et que les significations que nous attribuons à la consommation de produits carnés sont inextricablement liées aux concepts de virilité et de réification d’autrui. La politique du genre est inhérente à notre manière d’appréhender les animaux et plus spécifiquement ceux que nous utilisons, rapprochant par conséquent le massacre des animaux et les violences dont sont victimes les femmes.

Dans le large spectre de l’activisme altruiste, elle soutient que le véganisme et le combat pour les droits des animaux s’inscrivent parfaitement dans une perspective de justice sociale visant l’amélioration des conditions de vie des individus vulnérables et privés de leurs droits. Carol J. Adams a co-dirigé plusieurs importants travaux collectifs sur la question du féminisme et des animaux, tels que Women and Animals: Feminist Theoretical Explorations, The Feminist Care Tradition in Animal Ethics: A Reader (avec Josephine Donovan) et Ecofeminism: Feminist Intersections with Other Animals and the Earth (aucun de ces ouvrages n’est traduit en français pour le moment). Plus d’une centaine d’interventions de Carol J. Adams ont été publiées dans des livres, revues, magazines, encyclopédies traitant du végétarisme, des droits des animaux, de la violence domestique et des abus sexuels. Pour son engagement et la force de sa parole médiatique, elle fut intronisée en 2011 au U.S. Animal Rights Hall of Fame.


www.caroljadams.com
Prix TTC 19 €

« Une contribution dynamique au mouvement pour l’élaboration d’une théorie féministe des droits des animaux. »
— Animals’ Agenda

« Un dossier cohérent et passionné qui fait le lien entre la consommation de viande et l’oppression des animaux et des femmes […] [Il s’agit d’] un argumentaire bien documenté, provocant etstimulant. »
— The [Australian] Age

« La Politique sexuelle de la viande est un ouvrage où ceux et celles qui s’opposent à toute forme de tyrannie pourront puiser des forces. »
— San Antonio Light


CAROL J. ADAMS LA POLITIQUE SEXUELLE DE LA VIANDE UNE ThéORIE CRITIQUE féMINISTE VégéTARIENNE

PRÉFACE À L’ÉDITION VINGTIÈME ANNIVERSAIRE

Imaginez un jour où les femmes pourront marcher dans la rue sans être harcelées, suivies ou attaquées. Imaginez un jour où les refuges pour femmes battues ne seront plus indispensables. Imaginez un jour où les meurtriers de masse les plus répandus dans notre culture ne seront PAS ceux qui massacrent leur famille. Encore mieux, imaginez un jour où nous vivrons dans un monde où les femmes se sentiront partout en sécurité, où les membres d’une famille trouveront dans leur foyer un refuge sûr, et où il n’y aura plus de meurtriers de masse. Imaginez un jour où on répondra aux gens qui affirment « mais j’ai besoin de manger de la saucisse le matin » que « ça, c’était bon pour le 20e siècle. Vous savez, ce siècle où certaines des premières personnes à parler de changements climatiques étaient des activistes pour la cause animale qui avaient compris les liens entre la destruction de l’environnement et l’agriculture animale ». Encore mieux, imaginez un jour où personne ne ressentira plus le besoin de manger de la « saucisse » le matin. Imaginez un jour où les femmes et les enfants ne seront plus vendus comme esclaves sexuels, ni prostitués, ni exploités par la pornographie. Encore mieux, imaginez un jour où ce sera l’égalité plutôt que la domination qu’on considérera comme sexy. L’égalité n’est pas un concept ; c’est une pratique. Nous la mettons en œuvre lorsque nous ne traitons pas autrui – qu’il s’agisse d’êtres humains ou d’autres animaux – comme un objet. Nous l’exerçons quand nous demandons « Que vivez-vous ? » et comprenons que nous posons cette question parce qu’il nous importe à toutes et à tous de savoir ce que certains individus ressentent. Il fut un temps où les gens étaient persuadés de la fadeur des plats végétaliens et de la pruderie des féministes. Ils croyaient qu’en acceptant la logique derrière La Politique sexuelle de la viande, on devait renoncer La politique sexuelle de la viande à certaines choses, faire « acte de sacrifice ».


La Politique sexuelle de la viande repose entièrement sur l’idée qu’il existe quelque chose au-delà de cette culture d’oppression, et qu’il s’agit de quelque chose de mieux : mieux pour nous, pour l’environnement, pour les relations interpersonnelles, pour les animaux. Comme je l’ai expliqué dans la préface à l’édition dixième anniversaire, La Politique sexuelle de la viande existe grâce au militantisme. Il s’agit d’une théorie engagée, d’une théorie qui émerge de la colère éprouvée face à la situation actuelle et qui envisage ce qui est possible. Une théorie engagée rend le changement possible. Elle ne se contente pas de s’asseoir près de vous à table et de vous demander : « Savez-vous à quoi vous participez lorsque vous choisissez ce que vous mangez ? » Elle déclare aussi : « Il y a quelque chose de plus attrayant, de plus gratifiant, de plus honnête que de manger un animal mort sous forme de burger ou de longe de porc. » Elle ne se borne pas à proposer une critique – une critique des publicités sexistes au nom du militantisme pour la cause animale, ou d’un club de strip-tease végane, ou des publicités sexistes de Burger King ou d’un Gentlemen’s steak club. Elle affirme : « Il existe un mode de vie intègre que vous pouvez mener si vous reconnaissez l’égalité des femmes. » Une théorie engagée expose les problèmes, mais elle offre aussi des solutions. Une théorie engagée fait de la résistance une force valorisante. Nous créons une nouvelle culture, une culture où les pensées et les actions ne sont pas imposées d’en haut. Nous n’avons pas besoin de « décideuses » et de « décideurs » qui renoncent aux principes, mais de « coopératrices » et de « coopérateurs » qui comprennent que tout est relié. La Politique sexuelle de la viande vise à mettre ces liens en évidence. L’objectif de ce livre consiste à nous affranchir de croyances étriquées et néfastes.

La Politique sexuelle de la viande change l’existence de lectrices et de lecteurs depuis vingt ans, car grâce à cet ouvrage, les gens saisissent la possibilité d’un monde au-delà de l’oppression et comprennent le rôle essentiel de l’activisme dans son émergence. La Politique sexuelle de la viande a donné un sens nouveau à l’engagement de longue date de certaines personnes pour la cause des femmes, des animaux et de l’environnement. D’autres ont été exposées à une nouvelle idée qui leur a fait réaliser pourquoi le monde leur semblait si aliénant. Mon livre les aide à comprendre leur existence.

J’ai adoré chacune des réactions aux idées exprimées dans La Politique sexuelle de la viande. J’aime tous ces zines – publiés par des anarchistes, des végé-féministes radicales ou des ados lycanthropes véganes (celui-ci, je l’ai inventé) – que mon ouvrage a inspirés. J’apprécie toutes ces lettres que j’ai reçues et qui me disent : « Ma cousine m’a prêté votre livre, et quand je l’ai terminé, ma mère l’a lu, et maintenant ma sœur est en train de le lire. » Je suis touchée que La Politique sexuelle de la viande ait été lue en prison tandis que des activistes en état d’arrestation pour avoir dénoncé la cruauté envers les animaux attendaient de comparaître. Je trouve formidable qu’un groupe de femmes aient fait tatouer les mêmes mots extraits de La Politique sexuelle de la viande sur différentes parties de leur corps. J’aime que ses lectrices et lecteurs y découvrent ce dont elles et ils ont besoin et s’en inspirent pour tisser de nouveaux liens. J’ai été émue par ce que m’a raconté une femme : elle était tombée amoureuse, mais avant d’épouser son fiancé, elle a insisté pour qu’il lise mon ouvrage. Il l’a fait ; il en a saisi la signification, a traversé les États-Unis en avion, et à leur repas de noces le couple a servi un gâteau au chocolat végane absolument décadent. (Ils ont partagé leur recette avec moi.)

C’est un plaisir pour moi d’entendre des jeunes, parfois plusieurs années après leur découverte initiale des idées de La Politique sexuelle de la viande, me dire avoir vu ou entendu quelque chose qui confirme les analyses du livre. On m’écrit pour m’en faire part. Des parents ont acheté mon livre à leurs enfants, des enfants à leurs parents, des grands-parents à leurs petits-enfants, des amoureuses et des amoureux à leurs partenaires, des étudiant-e-s à leurs professeur-e-s. Je ne connais ce livre que de l’intérieur. Il est le résultat de nombreuses années passées à donner du sens à mon intuition initiale, celle d’un lien particulier, puis à écrire l’ouvrage qui s’imposait. Au départ, je ne soupçonnais pas qu’il changerait si profondément ma vie, qu’après sa publication des gens m’enverraient des images, des publicités, des couvertures de menus, des cartons d’allumettes et des articles de journaux. Je ne me doutais pas que je m’engageais dans une quête perpétuelle du sens de ces images en assemblant un diaporama pour expliquer les idées derrière la politique sexuelle de la viande, ni que je voyagerais à travers le pays et le monde pour discuter de ces idées et montrer ces images. Je savais seulement que je ne pourrais pas vivre avec ma conscience si je n’arrivais pas à traduire ce que j’avais perçu intuitivement. Cette idée ne me laisserait pas en paix tant que je ne serais pas parvenue à l’expliquer. En m’envoyant ces images que je devais ensuite interpréter, mes lectrices et lecteurs m’ont poussée à écrire The Pornography of Meat, un ouvrage illustré qui accompagne La Politique sexuelle de la viande. (Toutes les images que vous retrouverez à la section illustrations ont paru après la publication de The Pornography of Meat.) Lorsque les gens m’écrivent pour me raconter de quelle manière mon livre a changé leur existence, cela me permet de le percevoir de l’extérieur, de voir comment La Politique sexuelle de la viande a confirmé la portée de nos choix de vie, et des interrelations étroites entre ce que notre culture considérait comme des intérêts distincts (le féminisme et le véganisme).

Je sais que La Politique sexuelle de la viande a offert de nouveaux arguments pour justifier qu’on se préoccupe du sort des animaux. Il a proposé une théorie pour une vie militante engagée : pour le changement, la remise en cause de la réification et le questionnement d’une culture fondée sur la mise à mort et la violence. Quant aux chercheur-e-s qui m’ont écrit, il semble que La Politique sexuelle de la viande compte parmi les ouvrages qui ont servi de modèle pour placer les animaux au cœur de recherches universitaires. Il serait difficile de le savoir précisément – de réduire l’écart inévitable entre un-e auteur-e et son lectorat –, mais je crois que ce sont là certaines des raisons qui ont amené le New York Times à décrire La Politique sexuelle de la viande comme « une bible pour la communauté végane ». La Politique sexuelle de la viande touche les gens parce qu’eux aussi rêvent qu’un jour l’égalité triomphera. Je n’étais pas seule, en 1974, à imaginer un avenir qui nous délivrerait de croyances étriquées et oppressives. J’appartenais à une communauté. Nous protestions contre une guerre depuis de nombreuses années (cette situation vous semble-t-elle familière ?) et nous inventions des institutions alternatives. Nous imaginions un monde différent de celui où nous vivions. Une partie de ce pour quoi nous œuvrions est devenue réalité.

Le travail des féministes radicales des années 1970 mena à la reconnaissance légale du harcèlement sexuel, à la création et au financement de refuges pour victimes de violence conjugale et à l’adoption de lois sur la protection des victimes de viol. En luttant pour éliminer la violence, nous avons également contribué à protéger les personnes qui la subissaient. Qu’est-ce au juste que « la politique sexuelle de la viande » ? Il s’agit d’une attitude, d’un acte qui animalise la femme et qui sexualise et féminise l’animal. En 2008, le public apprit qu’un juge en chef de la 9e Cour d’appel de circuit des États-Unis avait publié sur un site web du matériel qui incluait une photo de femmes nues à quatre pattes, peintes pour ressembler à des vaches, ainsi qu’une vidéo d’un homme partiellement vêtu qui interagit avec un animal de ferme en état d’excitation sexuelle 1.

La femme animalisée ; l’animal sexualisé. Voilà la politique sexuelle de la viande. La politique sexuelle de la viande, c’est également supposer que les hommes ont besoin de viande, qu’ils ont droit à la viande, et que manger de la viande est une activité mâle associée à la virilité. Comme exemples récents de cette attitude, on trouve les publicités de Burger King contre la « bouffe pour nanas » (la quiche aux asperges), où des hommes proclament leur droit de consommer de la viande et balancent un camion du haut d’un pont routier en guise d’affirmation de leur caractère mâle. Un autre exemple : un camp militaire américain exclusivement masculin se conclut par un repas de steak servi aux nouvelles recrues par leurs « pères », des recrues plus âgées 2. C’est aussi cela, la politique sexuelle de la viande. J’aimerais que notre culture ne regorge pas de tant d’exemples de la politique sexuelle de la viande. Depuis la parution de l’édition dixième anniversaire, la présidence de George W. Bush et le règne du Parti républicain pendant la majeure partie de la première décennie du 21e siècle fournirent d’innombrables témoignages. La popularité des restaurants spécialisés en grillades fut rétablie à Washington après l’installation de Bush comme Président par la Cour suprême. L’image de « rancher cowboy » cultivée par Bush participa à créer l’archétype macho du « décideur ».

Dans la tristement célèbre prison irakienne d’Abu Ghraib, des soldat-e-s américain-e-s réduirent des Irakien-ne-s à l’état de bêtes, et exploitèrent les rôles masculins et féminins afin d’insulter les hommes irakiens et d’anéantir toute résistance. Par cet exemple, la présidence Bush réinscrivit la politique sexuelle de la viande à un niveau inédit.

1. GLOVER, Scott. « 9th Circuit’s chief judge posted sexually explicit matter on
his website », Los Angeles Times, 11 juin 2008. www.latimes.com/news/local/lame-kozinski12-2008jun12,0,6220192.story
2. ADAMS, Abigail E. « Dyke to Dyke : Ritual Reproduction at a US Men’s Military
College », Anthropology Today 9, no 5 (Oct. 1993), p. 3-6. Mes remerciements à Joe Hayns de m’avoir signalé cet article.

Comme le démontre Susan Faludi dans The Terror Dream, après les attaques du 11 septembre il y eut tout un battage médiatique autour de la masculinité à la John Wayne, des pouvoirs masculins dignes de Superman et de l’hyper-virilité dont avaient fait preuve les sauveteurs et les politiciens. Ainsi, on nous apprend qu’après la chute des tours du World Trade Center, le premier repas dévoré par le maire Giuliani fut un sandwich débordant de « viandes bien suantes 1 ». Là où il y a de la virilité (angoissée), il y a de la consommation carnée. Une publicité datant de 2006 pour les véhicules de marque Hummer met en vedette un homme qui achète du tofu au supermarché. À ses côtés, un homme fait provision d’une grande quantité de « viande bien suante ». L’homme au tofu, conscient et angoissé dans sa virilité à cause de cet homme chargé de viande près de lui dans la queue, sort précipitamment du supermarché pour se rendre tout droit chez un concessionnaire Hummer. Il se procure un nouveau Hummer, et nous le voyons repartir tout heureux derrière le volant, grignotant une carotte. Le slogan original de cette publicité : « Rétablissez votre masculinité 2. » Voilà la politique sexuelle de la viande. Alors que les politiques de Bush et le battage médiatique autour de politiciens tels que Giuliani conféraient une nouvelle urgence à la nécessité d’exposer la politique sexuelle de la viande, nous, les activistes féministes véganes, avons reçu un appui inattendu : celui du célèbre philosophe français Jacques Derrida. Au moment où la première édition de La Politique sexuelle de la viande était mise sous presse, paraissait en anglais « Eating Well » de Derrida. Cet essai introduisait l’idée de « carnophallogocentrisme ». Je demandai à Matthew Calarco, un expert en philosophie continentale et en théorie animale, son aide pour réfléchir à l’intersection entre les idées de Derrida et La Politique sexuelle de la viande. Voici ce qu’il m’écrivit : À mes yeux, le lien le plus manifeste entre votre ouvrage et le travail de Derrida consiste dans votre compréhension commune du statut de mangeur de chair comme un enjeu central à l’état de sujet. Vous attirez tous deux explicitement l’attention sur le carnivorisme qui se trouve au cœur des notions traditionnelles de subjectivité, particulièrement celles concernant les mâles. Vous exposez cependant ce point en détail, tandis que Derrida ne l’aborde que de façon schématique et incomplète.

1. FALUDI, Susan. The Terror Dream : Fear and Fantasy in Post-9/11 America, New
York, Henry Holt and Company, 2007, p. 49.
2. STEVENSON, Seth. « Original SUVs for Hippies ? Hummer courts the tofu set. »,
Slate, publié le lundi 14 août 2006. www.slate.com/id/2147657/


Le terme carnophallogocentrisme employé par Derrida représente sa tentative de nommer les pratiques sociales, linguistiques et matérielles primaires qu’impliquent le fait de devenir et de demeurer un sujet véritable dans la société occidentale. Il avance qu’afin d’être reconnu à titre de sujet entier, il faut être un mangeur de chair, un homme, et un soi autoritaire qui s’exprime. Quoiqu’il existe bien entendu d’autres prérequis à la reconnaissance comme sujet entier, Derrida cite ces trois-là de façon successive et en étroite corrélation, car il s’agit probablement des trois conditions primordiales de la reconnaissance. Ce qui fait de La Politique sexuelle de la viande un ouvrage si percutant, c’est précisément ce même constat central. Les premières pages, qui traitent de la virilité et de la consommation carnée, expriment avec beaucoup de force l’idée que l’acte de manger de la chair ne constitue pas un phénomène simple et naturel, mais que dans notre culture il se trouve intimement lié à la masculinité sur de multiples bases matérielles, idéologiques et symboliques. Le travail de Derrida sur la question animale au cours des années 1980 et 1990 cherchait à expliquer ce rapport entre masculinité et carnivorisme, mais vous avez traité de ce sujet en profondeur et exposé les implications de ce rapport de façon beaucoup plus détaillée. Grâce à Derrida (et avec l’aide de Calarco), nous arrivons à saisir en quoi l’utilisation de publicités pornographiques par certaines organisations de défense des droits des animaux pour cibler les individus qui consomment de la viande pose problème : elles s’adressent au sujet mâle et supposent que celui-ci ne peut essentiellement pas changer. Nous qui condamnons la politique sexuelle de la viande, nous imaginons mieux. Nous imaginons que le sujet mâle est véritablement capable de changer. Nous imaginons la fin de la transformation d’êtres vivants en objets.
Nous imaginons la fin de la consommation prédatrice. Nous imaginons l’égalité.

Voici ce que nous savons : les idées et les croyances ont des conséquences. Elles engendrent des sujets qui agissent de certaines manières, dans un esprit de domination ou d’égalité, et ces actions produisent des répercussions. En créant l’expression « Le personnel est politique », les militantes féministes des années 1970 reconnurent que notre culture avait rompu tout lien entre causes et conséquences. La domination fonctionne à son maximum dans une culture constituée d’éléments disjoints et fragmentés. Le féminisme, lui, perçoit les liens. Imaginez un jour où notre culture ne me donnera plus raison sur la politique sexuelle de la viande. Les activistes ne se bornent pas à imaginer ce monde : nous travaillons à en faire une réalité. Joignez-vous à nous.

Vous pouvez vous procurer La politique sexuelle de la viande - Une théorie critique féministe végane de Carol J. Adams chez Collection V

Politique sexuelle de la viande - Une théorie critique féministe végétarienne : En savoir plus

La préface d'Elise Desaulniers, Le sang des autres. (Blog : Penser avant d'ouvrir la bouche)
Critique par HypathieBlog : https://hypathie.blogspot.fr/sexual-politics-of-meat-carole-adams
Critique par K&M Les Véganautes : SYNTONISATION : EN RÉFÉRENCE AUX ABSENTS — DU BRILLANT OUVRAGE DE CAROL J. ADAMS
Les Cahiers antispécistes > Les articles de Carol Adams : Carol Adams

La politique sexuelle de la viande. C. J. Adams

CAROL J. ADAMS LA POLITIQUE SEXUELLE DE LA VIANDE :Sommaire

Préface de Élise Desaulniers «Le sang des autres» 15
Préface à l’édition vingtième anniversaire 21
Préface à l’édition dixième anniversaire 29
Préface à l’édition originale 45
Avant-propos de Nellie McKay «Les féministes n’ont pas le sens de l’humour» 53
Remerciements 59

Première partie : Les textes patriarcaux de la viande
Chapitre 1 La politique sexuelle de la viande 67
Chapitre 2 Le viol des animaux, le dépeçage des femmes 89
Chapitre 3 Violence occultée, voix bâillonnées 127
Chapitre 4 La parole faite chair 157

Deuxième partie : Dans le ventre de Zeus
Chapitre 5 Textes démembrés, animaux dépecés 177
Chapitre 6 La Créature végétarienne de Frankenstein 195
Chapitre 7 Le féminisme, la Grande Guerre et le végétarisme moderne 213

Troisième partie : Mangez du riz faites confiance aux femmes
Chapitre 8 La déformation du corps végétarien 249
Chapitre 9 Pour une théorie critique féministe végétarienne 283
Épilogue 313
Bibliographie choisie 321
Bibliographie de l’édition 20e anniversaire 339
Remerciements pour les droits de reproduction 345
Index 347
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